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Plaidoyer pour notre « art de vivre » en Rance


LE CONTEXTE

Depuis la nuit des temps, l’estuaire de la Rance est géographiquement l’arrière-pays, accessible par voie d’eau, du port de St Malo. (port de pêche à terre neuve ; port corsaire ; port de pêche et de commerce). St Malo étant une presqu’île, et la ria offrant assez de courants pour être bien praticable, c’est par voie d’eau que transitent les vivres , l’énergie (bois et charbon), matières premières (pierres, sable, bois, chaux, bois d’œuvre, …) , matières transformées (toile à voile en lin, cordages, etc.). Cette voie d’eau se poursuit canalisée jusqu’à Rennes, et rejoins Redon, elle permet la liaison entre la Manche et l’océan.

Historiquement, le nord de l’estuaire héberge de nombreux chantiers navals (Montmarin ; Le Minihic sur Rance,…) ; qui, principalement, construisent les plus grosses unités de pêche et cabotage sur la côte, et celles « de série » comme les doris pour la pêche aux banc ou les « canot de 10 pieds de long » qui servent d’annexe.

Dans ces chantiers, mais aussi dans ceux plus en amont, sont construits les gabares, les bateaux carrelets, les mécanismes et roues des moulins, les portes à marées et d’écluses ; pour les bateaux de moins de 15m, ces chantiers peuvent être mobiles, et localisés en haut de grève, en fonction du client, du charpentier, et du bois qui servira à la construction.

source: archives départementales des Cotes d’Armor et de l’Ile et Vilaine

L’arrivée de la vapeur

Comme sur tout le territoire national, l’arrivée de la vapeur marque le déclin des bateaux traditionnels (notamment des transporteurs à voile ; gabare de 6 à 12m, bocq, jusqu’à 15m ; chaland de 8 à 25m) ; les marchandises et les passagers sont désormais transportés par bateau vapeur ou train ; les manufactures de lin et coton pour les voiles et les cordages déclinent.

La ville de Dinan avait misé sur le développement des transports fluviaux (mise en service du canal d’île et Rance en 1836 ; divers ouvrages réalisé en sa faveur : écluse du Chatelier 1832, quais, cales, perrés,  …) ; ceci afin d’accueillir des navires plus conséquents et notamment les vapeurs à passagers.

Dans les années 1960, la construction de l’usine marée motrice et du barrage anéanti la petite pêche (bateaux : maquereautiers, chippe, et carrelets), les transports de fret (hors vedettes à passagers, Corsaire réalise en saison des liaisons St Malo Dinan), les moulins.

bateau à passager (à vapeur) à Dinan

Gabare et Doris à Mordreuc

Gabare dans sa souille à Pleudihen

source: archives départementales des Cotes d’Armor et de l’Ile et Vilaine

Le barrage, un traumatisme pour le territoire

Certes il produit de l’électricité verte (qui n’est pas reconnue mais vaut mieux ça qu’une centrale) et il permet de bénéficier de plus de plage horaire pour naviguer ; en effet, l’estuaire étant coupé de la mer par le seuil, l’estuaire ne se vide plus entièrement = min 4m30 d’eau dans le bassin.

= des générations qui traversaient à pieds lors des grandes marées ne le font plus, les récoltes entre riverains de goémon non plus, les paysages et les écosystèmes changent.

De nos jours, l’envasement, et son histoire de lutte contre, sédimente toujours plus l’ambiance de l’estuaire moribond, et met à mal tout projet d’avenir.
Dinan cesse d’être un quartier maritime.

Cependant sur l’estuaire, les bateaux présentant un intérêt patrimonial, principalement de type pêche, perdurent (pour les maquereautiers et les doris; une seule réplique de chippe et perte des bateaux carrelets), les souvenirs de gabares, bocq, chalands, péniches sont encore présents dans les mémoires. Tout comme les savoirs-faires : certains charpentiers de marine en sont à la 6eme génération ; une entreprise locale a réussi à faire reconnaitre l’artisanat du matelotage à la Chambre des Métiers de St Malo, exploitants forestiers, scieries, gréeurs, voiliers, ferronniers, chantiers navals, etc.

Ce sont une bonne dizaine d’associations, une trentaine de propriétaires de bateau traditionnels, et de nombreux professionnels de la thématique qui animent ces patrimoines lors de fêtes rurales ou simplement pour le plaisir de naviguer à la voile sur des bateaux et un site d’exception.

Fort de ce constat, conscient du potentiel patrimonial qu’offre l’estuaire (au vu du rayonnement du port de St Malo depuis des siècles + liaison Manche-Océan) et des enjeux actuels, l’association les bordées des singes a été créée en 2016.

Elle œuvre depuis pour la valorisation et l’animation des Patrimoines fluviaux maritimes de la Rance, de Dinan au barrage ; elle accompagne les associations et les particuliers dans leur vie locale pour les aider à animer les patrimoines navigants et bâtis.

maquereautier et chippe

Ce travail bénévole de 7 ans de terrain a permis aux membres du CA de créer des liens entre :

  • les différentes associations qui animent ces patrimoines (navigant, bâti)
  • les différents professionnels qui sont sujet à intervenir (charpentier de marine, mateloteur, transporteur, gréeur, chantier naval, etc.)
  • avec l’usine marée motrice EDF,
  • les élus locaux,
  • des photographes, des artistes, des lieux culturels, …
  • des administrations,
  • du grand public

Cet essai de fédérer a été repéré par Camille Gontier, président de l’association Temps Fête; et de l’Observatoire des Patrimoines Maritimes de Douarnenez.

Delphine, membre fondateur et au CA de l’association, géographe de formation spécialisée en aménagement durable du territoire,  a intégré l’équipe du comité de pilotage de l’Observatoire des Patrimoines Maritimes et a animé en juin 2023 la table ronde « Les richesses d’hier, solutions pour demain ? »

Jeff, membre du CA des Bordées des Singes, est aussi Président de l’ACCCR (Association des Copines et Copains des Carrelets).  Avec son équipe, ils ont déjà entamé des démarches auprès de l’administration afin de réhabiliter les cabanes ; et les retours des négociations semblent prendre la bonne voie.

Suite à une saison d’échanges lors des manifestations locales avec les acteurs qui font vivre ces patrimoines, le CA établi ce constat :

LE CONSTAT

A ce jour, sur notre estuaire, alors que tolérées jusqu’alors, des pratiques nécessaires à la préservation et à l’animation de ces patrimoines deviennent illégales et soumises à redevances. Des coques échouées sur la grève ont été détruites, en dépit de leur intérêt patrimonial.

Les disparités, selon les dispositions municipales ou départementales, sont édifiantes. Les demandes d’exonération réalisées par les municipalités en faveur des associations n’ont pas abouties.

C’est pourquoi, le CA de l’association a rédigé cet état des lieux qui permet d’identifier les freins à l’animation de ces patrimoines sur l’estuaire. Cet exercice a été soumis pour amendement aux membres de l’association les Bordées des Singes le 12 octobre 2023 et le titre a été choisi collectivement.

Ce document vise à dresser un état des lieux des pratiques observées sur le territoire, sans vocation à mettre en avant certaines pratiques au détriment d’autres, et il ne peut se prétendre exhaustif.

Plaidoyer pour notre art de vivre en Rance :

Historiquement, les peuples de marins ont apporté des ouvertures, des échanges , des liens, vers l’autre, vers les autres. Leur culture, leur fonctionnement a imposé le faire ensemble, et une forme de ce que nous pouvons appeler « bon sens », inhérent à ces humains qui font face aux éléments et qui les respectent.

L’essence même de ces héritages maritimes pourraient être résumés à « faire avec les moyens du bord », disponibles et renouvelables ; en mode low tech et permaculture en fait !

Techniciens hors pairs, un navigateur à la voile, évolue en mêlant constamment diverses sciences. De l’origine des plans, des matières premières, l’histoire du bateau, la météo, la navigation, l’entretien, la propulsion vélique ou mécanique et leur mise en pratique, sans oublier tout ce qui fait qu’un équipage fonctionne ; cette communauté de navigateurs à la voile sont intrinsèquement de véritables touche à tout !

Leur vision du monde, si particulière puisqu’aussi dotée d’une vision depuis la mer, et peut-être suite à de longues heures d’attente en mer, les invite à penser de manière globale, à prendre du recul, ils bénéficient ainsi d’un lien fort avec l’artistique.
En mer, ils créent, des nœuds (l’art du matelotage), mettent des bateaux dans des bouteilles, sculptent divers objets, etc. ; Débarqués, leurs compétences en levage et bricolages divers sont aussi utiles dans les théâtres ou pour les décors de cinéma (encore deux singes de nos jours, qui pourtant retraités, continuent d’être sollicités par l’industrie du cinéma).

Cher lecteur, vous avez peut-être déjà entendu cette légende qui dit que les marins pensent que leur bateau a une âme ??

Ils partagent avec eux des sensations (en navigant) qu’aucun autre véhicule terrestre ou bateau moderne ne peut leur procurer.

Ces patrimoines sont tous soumis aux marées, à l’eau salée, aux intempéries ; on craint pour lui.

Ils sont extrêmement fragiles : laissés à l’abandon ou au sec au chantier, ils se détériorent à une vitesse phénoménale par rapport à d’autres éléments de patrimoine. (notamment  bâtis)

Leurs spécificités techniques (qu’il s’agisse de ses formes, de ses matériaux ou avoir un gréement traditionnel ou encore un moteur historique), nécessitent des compétences et des savoirs faires particuliers, tant pour leur entretien que pour leur fonctionnement.

Ils sont tellement exigeants, que les gens de mer attribuent une âme à ces éléments de patrimoine vivants (surtout les bateaux mais pouvant être étendus aux moulins à marée, à la cale sèche et aux cabanes à carrelets).

Après ce postulat de départ, et afin de faire entendre l’ensemble des freins de tous les cas de figure de ces patrimoines en compte, imaginons la vie d’un élément avec intérêt patrimonial.

(c) les copeaux d’à bord

Je suis un Bateau : (a)typique, du patrimoine ;  historique ;  traditionnel ;  vieux gréement ;  réplique ; d’inspiration patrimoniale ;  je présente un Intérêt Patrimonial….  appelez-moi comme vous voudrez, ce qui fait l’unanimité est ma beauté sous voiles ou mes formes et moteurs anciens.

J’ai souvent le statut de plaisance et suis soumis à la même règlementation que les bateaux modernes.

Mon propriétaire, comme tout plaisancier, a dû me trouver une place au mouillage ; mais il se doit au vu de mes spécificités techniques de me trouver une place d’échouage aussi (selon le secteur du vent annoncé pour une tempête, il peut m’être dangereux de rester sur mon mouillage). Je ne suis parfois pas tout à fait dans les clous car mes spécificités techniques ne le permettent pas ; mais mon propriétaire fait au mieux ! Il va d’ailleurs caréner sur une aire prévue à cet effet.

Je peux avoir en plus le statut NUC (Navire à Utilisation Commerciale)  et je suis soumis aux règlementations en fonction de ma catégorie ; des tolérances de l’administration sont parfois nécessaires par bon sens marin. A ce jour, je peux embarquer des passagers payants ou du fret, sous l’égide de marins diplômés. Je ne peux pas me défouler sur des lignes régulières ni embarquer plus de 2T de marchandises ce qui est frustrant dans le cas d’ancien bateaux de charge et compliqué commercialement.

Mon propriétaire, par le réseau associatif, a été informé de la démarche pour me faire classer Bateau d’Intérêt Patrimonial auprès de l’association Patrimoine Maritime et Fluvial.

Mais bon, c’est chouette d’avoir un joli diplôme, mais ça sert à quoi ? Certes je rentre facilement dans les fêtes maritimes mais je ne dispose pas de gratuité dans le port de St Malo, ni de Plouër, ni du Lyvet, ni de gratuité dans les zones de mouillage ou d’échouage régis par les associations de plaisanciers ou des bases nautiques ou des municipalités; le seul à pratiquer la gratuité lors d’une visite d’un BIP est le port de Dinan, il y a même un ponton dédié ;   Cependant, je peux prétendre à des aides financières ; mais quel travail administratif ! et quelle complexité de rentrer dans les cases !! tout ce que mon propriétaire, qui est quelqu’un d’action ; adore!

Souvent nos propriétaires particuliers ne se donnent pas la peine de demander le classement qui nécessite d’instruire le dossier (il est parfois difficile de retracer mon histoire ou j’ai subi des « améliorations »), qui plus est sur internet, et une seule commission a lieu par an. Alors de là à aller demander des financements publics ou privés, rien que la liste des pièces à fournir les fait pâlir…

Je ne suis donc pas reconnu de tous, je vis ma vie de plaisancier exigeant en entretien, pour quelques journées de belles navigations, d’autres de galères monumentales pour cause de casse ou usure. Heureusement, pour un jour ou deux par an, je suis une des stars qui font le spectacle avec mon propriétaire bénévole lors des rassemblements dits de « vieux gréements » ; parfois par chance, je suis une star locale et je figure sur des dépliants touristiques ou des cartes postales pour le plus grand plaisir (ou pas) de mon propriétaire.

fête de la margate

yole Tolérance

(c) Pascal Moreau

Aussi, si je suis facilement transportable, j’ai la chance de participer à de nombreux rassemblements bien au-delà de l’estuaire avec d’autres bateaux venus des quatre coins du monde parfois (un marin n’a pas la même notion des frontières qu’un « terrien »)… Ainsi, doris, yole, chippe de l’estuaire sont représentés dans des dizaines d’événements, tous les ans par près d’une centaine de membres d’équipages bénévoles ou particuliers propriétaires.

Si c’est plus simple de rallier par la mer alors je participe à des manifestations plus locales (Cancale, St Malo, Erquy, Binic, St Cast, Chausey, Granville, …)

Je vis donc une vie de pseudo nomade pendant un temps et j’appartiens à un passionné mais qui, après nous avoir bien baladé et souvent à cause de son âge, doit me revendre ; enfin il espère me vendre.

Il avait les compétences et/ou savait faire appel aux bons pour mon entretien. Il connaissait le milieu et il savait qu’un bateau traditionnel allait lui coûter plus d’argent que lui en rapporter lors de sa vente (comme souvent pour un véhicule ancien).

Ouf ; il a trouvé rapidement mon futur propriétaire, il y a une véritable transmission des savoirs faires et comme je suis connu et que mon propriétaire aussi, mon propriétaire est entouré pour faire face.

Il avait prévu ma place au mouillage (dont la redevance a augmenté en moyenne de 15% sur l’estuaire et dont il a la charge d’entretien ; sachant que les mouillages s’usent plus vite qu’en mer pour cause d’hydrolyse du barrage, y’en a qui disent).

Il avait aussi prévu que je puisse encore échouer au village, sur la grève, dans un site historiquement dédié, bien abrité, et accessible par voie terrestre afin de me visiter régulièrement.

Ah bin non, depuis 2023 sur l’estuaire, l’échouage, même d’un bateau classé Bateau d’Intérêt Patrimonial est soumis à une Autorisation d’Occupation Temporaire qui est soumis à redevance, et limité à 6 mois sur la période hivernale. Nos propriétaires ne peuvent même plus approcher leur véhicule qui contient tous les outils nécessaires à mon entretien. Il doit se garer à 600m… il sue avant de commencer, j’ai peur !

plus d’échouage dans les anciens étangs des moulins

2 épaves disparues

regrettée

« nettoyage » au Tanet

??

exemple : sur une grève particulièrement bien abritée, échouage toléré d’une dizaine de bateaux traditionnels ; certains ont + 100ans ; adjonctions placardées par agent DDTM sur la coque = 176€ de redevance pour AOT pour un BIP/ accordée pour 5ans/ autorisation échouage de 6 mois.

En saison, il n’est donc plus autorisé à venir m’échouer librement lorsqu’il ne dispose pas de temps pour s’occuper de moi au mouillage ou qu’il a un soucis de santé ; il lui faut donc trouver quelqu’un de confiance pour veiller sur moi.

Les copains de bretagne sud nous ont même raconté que chez eux, les cales d’accès à l’eau étaient réglementées voire interdites !! comment est-ce possible ? nous ne pouvons pas quitter certains lieux de repos ; nos sites d’échouage (historique) sont choisis par mon propriétaire selon 2 critères : un site offrant un abris des tempêtes (qui peuvent survenir à n’importe quelle saison) et bien sûr pas trop loin de chez lui puisqu’il va devoir veiller sur moi.

D’une manière générale, ces problèmes d’accès et de place ont déjà impacté le niveau d’entretien général de la flotte ; sans parler du nettoyage des grèves, que nos propriétaires assuraient contre usage. Par la destruction de certaines épaves, le manque de considération et l’incompréhension qu’ils représentent, des dégâts irréparables ont été réalisés. Tristesse et colère sont ressentie à l’unanimité (ça vous viendrait à l’idée d’exhumer des cadavres ?). Des sites où « une vie de grève » existait sont, par complications et décisions administratives, abandonnés par les navigants, et pour certains « plus âgés », cela représente une perte de sens de leur vie de retraité/riverains/navigants.

(c) Stoupig Jibidi

(c) Thierry Besnier

Pourquoi Pas, ancienne vedette SNSM St Malo et la Cabane de chantier des copains en haut de grève, détruites à ce jour.

Je suis la propriété d’une association ou d’une municipalité (parfois d’un particulier), et je suis animé et entretenu par une association :

Nous avons de la chance, ça se passe bien avec la municipalité, nous avons une place de port ou un mouillage dédié au sein de la Zone de Mouillage et d’Equipements Légers qui est en gestion communale; un lieu d’échouage ou un hangar pour l’hivernage, on nous met à disposition une « cabane » pour le matériel et la vie de notre association, ils nous soutiennent pour les manifestations et/ou demandent des exonérations… Ces municipalités méritent d’être reconnues ! Ou alors, j’ai la chance d’être hébergé dans un espace qu’un particulier met à disposition de l’association. (rare)

Nous avons un peu moins de chance ; et pas de lieu pour échouer/hiverner ou mettre en chantier : nous devons louer un hangar ou aller au chantier naval, cela devient onéreux voir très compliqué.

Et ce même si je ne suis qu’un doris ; depuis qu’il nous est interdit d’échouer sur la grève ou dans les anciens étangs des moulins à marée, je suis sur le mouillage qu’un membre de l’association m’a mis à disposition. Ce généreux bénévole est donc dans l’illégalité puisque ce n’est pas le bon bateau sur le mouillage et il doit veiller encore plus sur moi. De plus, le temps que je regonfle, j’apparais à moitié coulé, les promeneurs s’inquiètent et se déchainent sur les réseaux sociaux ce qui a le don de ravir (encore une fois) mes propriétaires.

Afin d’assumer financièrement mes besoins en entretien et fonctionnement, l’association organise une manifestation de soutien, ce qui nous permet de récolter les fonds nécessaires à mon entretien principalement puis au fonctionnement de l’association. C’est l’occasion d’animer le temps d’une journée la cale en bas de chez nous avec les copains navigants de l’estuaire qui viennent nous saluer. Qui viendra ? cela sera selon les vents et la marée !! Cela a toujours été comme ça !

Depuis 2023, selon le zonage communal, il est demandé à ces associations de remplir (en plus de déclarations de buvettes and co) une déclaration de manifestation nautique, dossier chronophage qui parait nécessaire pour de gros événements, mais qui pour de petites manifestations de riverains sont lourds (d’autant plus que l’estuaire de la Rance étant classé Natura 2000, un dossier d’étude d’impact (simplifié) devra être joint). Comment voulez-vous savoir des mois à l’avance quel bateau traditionnel voisin dans l’estuaire pourra venir ? Il viendra en fonction de la disponibilité de ses bénévoles, de la météo et la marée du jour ! En plus au vu des responsabilités, ils n’osent plus toujours faire découvrir leur art aux non-initiés (prenons l’exemple d’un tour de doris ; pour nos propriétaires, qui souvent ont grandi au bord de l’eau, c’est comme si on privait les parents de laisser les enfants faire du vélo avant d’avoir réalisé tout un tas de déclarations et de prise de responsabilités !!).

 Par la suite, cette déclaration enregistrée auprès de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) et faisant objet de demande d’AOT (Autorisation d’Occupation Temporaire) du DPM (Domaine Public Maritime) est transférée à la DGFIP (impôts) qui fait appliquer une redevance. Sur les bénéfices (à peine 800€) de la journée de notre association de riverains, tous bénévoles, qui fait vivre le doris de la municipalité, et réalise des interventions dans l’école, une redevance de 176€ ramenée à 88€ nous est demandée. (soit 22% ramené à 11% des bénéfices). La municipalité du village a alors demandé une exonération auprès de la DDTM et DGFIP, ces municipalités ont essuyé un refus.

Toutes ces associations étaient tellement occupée à nous faire vivre qu’outre le constat des difficultés qui touche de manière générale le monde associatif par le manque accablant de bénévoles, c’est le vieillissement des actifs qu’il est important de noter (à l’exception de 2 associations sur 13). Le constat des difficultés de transmission des savoirs faires est partagée avec les organisateurs de grands évènements.

Je n’ai pas de chance, mon propriétaire a beau avoir un peu partagé des navigations sur le même type de bateau que moi (pêche locale, transport fret et passagers intra estuarienne, bateau de moins de 15m de longueur),  il n’y a pas eu de transmission, et l’ancien propriétaire a fait appel à n’importe qui ou en tous cas à quelqu’un qui n’avait pas les compétences nécessaires pour ce type de travaux, ou ce type de patrimoine ; peut-être mon ancien propriétaire avait-il le budget pour payer des intervenants, mais pas le bon sens pour l’entretien et les navigations ; il m’a fait acheter le prix fort pourtant (ce qui parait normal vu l’argent qu’il a investi à payer les autres) ; 

Ou pire, mon propriétaire a une galère avec l’assurance, mon mouillage a cédé et à cause de mon âge, je ne vaux pas grand-chose, ou le montant des réparations est exorbitant, puisqu’il faut des devis de professionnels. Pourquoi ne pas faire confiance à mon propriétaire, ses habilités en bricolage et notamment dans le bois, son sens de la débrouille et les compétences de ses copains? alors que c’est ainsi qu’il est possible de me réparer avec un budget moindre ! Je marchais bien pourtant et je suis sur les dépliants touristiques !!

Bon, c’est galère pour tout : la place de mouillage, d’échouage, l’entretien, la navigation, mon propriétaire est aigri, fatigué et ne trouve plus d’équipage…

Au bout d’un temps plus ou moins long, il s’épuise, et m’abandonne

Jusqu’à ce qu’un passionné me repère… et qu’il trouve tout ce qu’il faut !

Je suis à l’abandon, je nécessite bcp de travaux ; je suis déniché quelque part sur un mouillage, dans un hangar, une vasière ou un cimetière de bateau (de moins en moins plausible). Ou vendu au prix fort…

Alors mon propriétaire devra :

trouver une place le temps d’organiser ma mise en chantier (hangar ou échouage pour les plus  fatigués ou mouillage). Ce qui représente en moyenne 7 ans d’attente en Rance. Il est impossible même pour une association du patrimoine de prêter un mouillage d’un autre bateau du patrimoine, qui serait en chantier par exemple ; l’association reçoit une injonction.

= trouver un lieu de chantier ; ce qui dans le contexte actuel de la plaisance et de l’immobilier en zone littorale, est de plus en plus compliqué ; de plus des redevances ont vu le jour ou ont augmenté (AOT des chantiers professionnels). Mettre un bateau avec une coque en bois dans un chantier naval peut s’avérer couteux ; aussi les propriétaires si les travaux estimés sont nombreux ou nécessitent plusieurs années, préfèreront essayer de trouver un hangar chez un particulier.

= organiser son déplacement ; de plus en plus de transporteurs n’osent plus prendre le risque de transporter des coques en bois ; trouver le bon !

= trouver un assureur ; au vu de leur fragilité et complexité d’entretien, des assureurs pourtant spécifique nautisme refusent les bateaux patrimoniaux, classés ou non. Si en tant que propriétaire d’un «bateau traditionnel », il nous arrive une mésaventure, alors mon propriétaire se fera « virer » par l’assurance et devra en retrouver une qui sera bien plus onéreuse et qui ne pratique plus les mêmes conditions qu’à l’époque.

= trouver les compétences disponibles nécessaires et les matières premières : il n’est pas rare de mettre plus d’une année pour trouver du bois tors ou qu’un charpentier de marine ou un chantier reconnu aie des disponibilités ; ou pièces de rechange nécessaires : le calendrier peut être très aléatoire selon la pièce recherchée ; au pire refabrication de la pièce, ce qui suppose de (re)trouver les savoir faire.

A noter : la région Hauts de France via la FRCPM dispose de son centre régional pour les bateaux traditionnels + les Flobards de Wissant disposent d’un hangar pour le collectif.

A moins qu’une association m’accueille pour m’échouer sur la grève dans l’espace de son AOT, ouf ! me voici en sécurité le temps de mettre en œuvre la machinerie administrative nécessaire pour m’immatriculer au nom du nouveau propriétaire ; condition première au démarrage des travaux de restauration ;

et si par manque de bol, mon propriétaire est disparu en mer ; et que mon ancien propriétaire m’a immatriculé à l’étranger, ou bien je n’ai pas de papiers (ayant été conçu, ou construit avant la norme constructeur CE, je n’ai pas d’acte de francisation)… alors ce temps peut être long, très long…

Savez-vous que pour avoir l’honneur d’arborer le pavillon Français, alors que je suis une composante même de son identité, je me dois d’être enregistré auprès des affaires maritimes, comme tout autre bateau. Cependant, le parcours administratif Français est le plus complexe et onéreux à l’échelle européenne… Mon propriétaire se doit de faire appel à un architecte naval pour approuver mes plans et caractéristiques, puis on testera ma capacité à me retourner lors d’une mise en situation en me faisant dessaler grâce à une grue qui tirera fort sur ma mâture. Selon mon état de conservation cela peut m’être fatal ! De même, puisqu’il est très compliqué, voire impossible, d’obtenir les autorisations de travailler sur la grève, de nombreuses coques à l’état d’abandon, échouées, ne pourront plus être réparées ; un grutage ou un transport leur serait fatal.

Ou bien je coule, devient une entrave à la navigation, il faut me renflouer et la gestion de mon épave coûte à la collectivité.

Ou bien, le temps m’a usé, vraiment ; avant, je travaillais, mon patron veillait donc quasi quotidiennement sur moi, il entretenait mon étanchéité réalisée de manière traditionnelle, sans grand recours à la chimie…

Pour ma retraite, j’ai « fait le beau », je me suis bien baladé avec mon propriétaire ; mais voilà… arrive un moment où l’usure ou bien la découverte d’une faiblesse font grimper de manière vertigineuse le montant des travaux. Me reconstruire à neuf serait la meilleure option ; un copain, propriété d’une association, a ainsi fait coque neuve sur son lest tout en gardant ses espars et autres matériels. Je l’envie ; pour ma part, il est temps d’aller me reposer pour l’éternité dans un cimetière…

ancien bateau de pêche en attente de place au cimetière (c)GildasLG

mon pote à la coque neuve (c) les copeaux d’à bord

La décision est rude à prendre pour mon capitaine, et peut nécessiter du temps mais c’est ainsi.

Mon propriétaire a alors demandé auprès de la DDTM un emplacement au cimetière… A qui d’autre s’adresser pour une place ?! Cela fait plusieurs semaines. Pendant ce temps-là, il est contraint depuis qu’il m’a échoué sur l’AOT du chantier et découvert le verdict, de payer l’emplacement au chantier (compter dans les 150€/ mois).

J’espère de tout cœur obtenir une place, sinon, il sera dans l’obligation de me faire détruire (compter 300€/tonne) ; dans mon cas précis, cela représente plus de 9 000€ !!!!

En plus d’être triste de devoir se séparer de son véhicule préféré, (voir de sa maison ou sa résidence secondaire pour certains),  la bourse de mon propriétaire en prend un coup !

Espérons que j’ai de la chance, qu’au vu de mes formes ou services rendus ou des histoires vécues, grâce à des marins qui me connaissaient, et le soutien d’une association d’archéologues sous marins,  on me laisse une place dans un cimetière à bateaux (qui ont été « nettoyé » et qui ne sont plus ce qu’il étaient ). Ma coque deviendra, sur les bords de Rance, un lieu d’expression artistique !! graffeurs, photographes et autres artistes, ayant une certaine sensibilité, me respectent et me mettent en valeur à leur manière. Dans le plus grand des cimetières, nous sommes même pourvus de QR Code et en le flashant avec un smartphone, nos histoires vous sont contées!

Ancienne épave de « la belle de Dinan »; détruite

Vous comprendrez qu’en ce moment, vu la pression sur l’espace maritime, des « épaves » sont détruites, faute de motivation ou de chance ; ce patrimoine se meurt très rapidement. Les marins pleurent en silence l’exhumation de nos restes, et sont sonnés par le manque de reconnaissance de leur art de vivre.

Ou bien je ne suis encore qu’un projet de construction d’une réplique de gabare de la Rance,

Ce bateau emblématique de la rance maritime, inscrit dans l’ADN des gens du pays, va de nouveau sillonner le fleuve, les gabares sont de retour ! D’ici quelques semaines les premiers pétales de bois parfumeront l’air de ce parfum de vie, de joie, de faire ensemble, pour chacun, pour tous.

Ces gabares, véritables bêtes de sommes vont travailler, non non, ce n’est pas que pour faire joli dans le paysage.

Elles sillonneront le fleuve embarquant et débarquant les gens et les choses d’une rive à l’autre, d’une cale à l’autre, d’un village à l’autre, dans un sens et dans l’autre. Les marins du pays patronneront et mèneront ces canotes, sans doute heureux de retrouver leurs foyers chaque soir.

Cette équipe, cet équipage va construire un chemin pour « demain ».

Un chemin de vivre au pays, d’ensemble en prendre soin, de le choyer d’y être des femmes et des hommes actifs et entreprenants, sans saccager, sans ruiner, sans polluer, sans s’accaparer, sans nuire .

Les sorties thématiques destinées au grand public ne manqueront pas, au regard de la grande diversité de richesses qu’offre la rivière au cœur de sa vallée (matérielle, immatérielle, naturelle, environnementale). Les artisans sont là, dans le pays, œuvrant ensemble depuis de longs mois.

Le chemin est tracé, les abords sont débroussaillés, une part du budget couvrant l’achat des matériaux est acquise ;

La recherche du bois d’œuvre est en cours, une grande part du matériel et de l’outillage est à disposition, l’architecte naval missionné travaille à l’élaboration des plans et du dossier technique.

(c) Glaz

Il leur reste à accéder à un site d’accueil, temporaire ou durable, qui fasse sens avec l’œuvre à réaliser.

Un lieu pour construire, un lieu pour partager la genèse de ces gabares avec le plus grand nombre et y vivre des moments forts et joyeux, ce lieu sera la nef qui enfantera les filles du fleuve, ces gabares avec toute leur garde-robe dessus (comprenez toutes voiles dehors).

Les contacts établis avec la population sont prometteurs et les échanges avec les municipalités sont encourageants. L’association attend des municipalités qu’elles soient des facilitateurs du projet par la mise à disposition pertinente d’un lieu où établir ce chantier temporaire, notre souille d’échouage, et assurer l’accès aux lieux d’embarquement et de débarquement.

Il nous faudra aussi peut-être un peu de soutien pour pouvoir (d’ici quelques années au vu de l’urbanisation) accéder à ces sites avec nos véhicules terrestres afin d’assurer la logistique.

(c) Glaz

(c) Glaz

(c) Glaz

A ce jour, aucun lieu sur la bande littorale, même historiquement dédié, hors chantier naval établi, n’a été trouvé pour accueillir, même temporairement une construction de bateau en bois , du moins en Ille et Vilaine. (plusieurs lieux identifiés ont été refusé par les autorités, la DDTM et la DREAL ont été sollicitées pour participer au projet et trouver une solution, procédure en cours).

Ce serait amputer l’œuvre entreprise d’une partie forte de son sens que de lui refuser un établissement temporaire à titre gracieux sur le domaine public de la bande littorale. Ensemble faisons la difféRance.

Je suis une cale sèche, je suis inscrite sur la liste complémentaires des patrimoine, ma restauration a été cofinancée avec l’aide de l’état et du mécéna privé, je suis entretenue par une association locale.

Je suis un moulin à marée, sur les 13 existants historiquement sur les bords de Rances, nombreux sont en ruine ou propriété de particuliers …

Je suis le dernier à avoir fonctionné, je suis superbement bien conservé, et mon propriétaire avec le soutien de ses amis rassemblés dans une association a réussi à décrocher des financements par la mission Bern et la Française Des Jeux ainsi que par des mécènes privés. Un appel aux dons est en cours avec le soutien de la Fondation du Patrimoine. Le compte à rebours des subventions est lancé ; arriveront-ils à trouver d’autres co-financeurs et répondre aux conditions de chacun en temps et en heure ??

Je suis une exception, j’ai été rebâti sur mes ruines grâce à la volonté des bénévoles de mon village. Ils savent même encore me faire tourner et moudre ! J’appartiens à la municipalité, qui avec l’association, me co-animent, et font face aux complexités administratives… il aura fallu 3 ans d’échanges pour que 2 véhicules de l’association puisse venir jusqu’à moi (le parking est à 600m). Ce sont eux qui bénévolement m’entretiennent.

Avant, ils organisaient un spectacle son et lumière.. depuis le confinement, et au vu des nouvelles rigueurs déclaratives, les bénévoles n’ont plus la force de faire la fête.

Je ne peux  pas ne pas vous citer l’ancien maire qui a tant œuvré pour me faire renaitre de mes cendres :

« Cette REDEVANCE DDTM et la taxe au Centre des Impôts le bénéfice dégagé, ces dossiers de sécurité très lourds à remplir même pour une petite manifestation de moins de 800 visiteurs, ces demandes d’accès Temporaires de circulation de véhicules moteurs , ces demandes d’accès temporaires d’occupation du domaine maritime, ces problèmes de navigation en Rance en raison d’un envasement galopant, ces taxes annuelles importantes sur les cabanes carrelets qui n’ont plus aucune possibilité de pécher en raison là encore d’un envasement préoccupant et d’un déplacement régulier du chenal.

Oui grande fatigue après tant d’années et tant d’efforts pour sauvegarder des patrimoines maritimes remarquables, faire revivre des métiers anciens, mettre en valeur des terroirs entre terre et mers, sensibiliser nos enfants à la faune et la flore lors de nos manifestations!

A la veille de rentrer dans le Parc Naturel Régional , face à ce dérèglement climatique et la montée des eaux évidente, rien n’est fait pour sauver notre estuaire moribond ! Nos anciens avec leurs pèles et leurs pioches étaient plus efficaces; Aujourd’hui : wait and see !

Fatigué et plus envie de se battre contre des moulins à vent et devant autant de rigidité administrative ce qui met les mairies en porte à faux entre respecter la loi à la lettre et l’enfreindre pour faciliter le fonctionnement des associations œuvrant sur les Bords de Rance. »

Heureusement, mon site d’exception et mon histoire pourra aider mes copains, les cabanes à carrelets .

Je suis un Carrelet ; nous n’étions bien qu’au fond de la mer, nos patrons étaient heureux et prenaient soins de nous. Quand nous étions embarqués sur des bateaux qui propulsés à la godille nous emmenaient ici et là pêcher toutes sortes de poissons de la sardine au saumon. A l’ arrivée de la basse mer nous avions le droit à un bon repos, échoués au port de Lyvet bien avant l’existence de l’écluse, c’était avant 1830, et nous avons vécu tous les changements jusque dans les années 1960.

Notre travail pendant toute cette époque permettait de nourrir quelques familles et aussi de vendre du poisson juste pour vivre. Autour des années 60, cette pêche devient une pêche uniquement de loisirs et nous étions de plus en plus nombreux, parfois côte à côte à tapisser le fond. Nous étions utilisés au bout dehors, ou sans, suivant l’endroit et c’est là que certains de nos propriétaires ont eu l’idée de monter des cabanes côté Saint Samson sur Rance, également côté La Vicomté sur Rance.

Ce fut une période où le bonheur était dans tous les cœurs, nous les entendions raconter leurs histoires et rire comme des fous. Il n’y a pas si longtemps, autour des années 2015/2017 un vide administratif a provoqué un découragement et nous ne touchions plus le fond, au point que nos abris furent sur le point d’être détruits. Peut-être que la beauté de nos filets nous ont permis en 2021 de devenir Patrimoine National par le Ministère de la Culture.

Nous sommes aujourd’hui sauvés grâce une équipe de copines et de copains qui auprès des autorités lancent notre réhabilitation. Comme par magie, cette équipe avec un chef de file habitué depuis plus de 50 ans aux problèmes de la Rance et son équipe bien motivée a su sensibiliser toutes les administrations concernées, qui sont aujourd’hui toutes à l’écoute pour solidairement faire aboutir le projet et apporter les satisfactions recherchées et faciliter les démarches. Nous allons donc retrouver le fond grâce à une démarche collective bien structurée et invitons tout le paysage patrimoniale de notre estuaire à nous imiter et souhaitons qu’un beau jour d’été pouvoir se retrouver tous ensemble à la surface.

S’il est vrai que sur le plan administratif, et ce n’est pas fini (bientôt le PNR), nous rencontrons des difficultés de compréhensions, nos patrons et propriétaires des différents patrimoines devrons tous s’unir pour entamer un dialogue apaisé visant le calme, et c’est bien ce qui correspond à notre façon d’être.

En conclusion…

Alors cher lecteur, maintenant que tu connais un peu mieux l’envers du décors, maintenant que tu as un peu plus conscience des investissements (financiers et en temps) et des compétences nécessaires pour avoir le privilège de te balader avec le vent sur un véhicule de collection ; ou participer à l’animation d’un bâti qui a les pieds dans l’eau.

 Que penses-tu de mon propriétaire qui bénévolement assure le spectacle lors des rassemblements ? (les bateaux propriété de particuliers ou d’association, représentent 95% des bateaux inscrits à Temps Fête à Douarnenez et 98%  des 1256 inscrits lors de la semaine du golfe du Morbihan).

ou qui a la chance de se faire photographier,  son bien privé pour une publicité touristique ?

Ne faut-il pas savoir-être un Homme évoluant au rythme des vents et marées, et ayant pour hymne la simplicité et la débrouille avec les moyens du bord ? Ce propriétaire, qui sur son annexe godille pour aller rejoindre mon mouillage, qui m’anime sous voiles, qui conte ses périples et rigole de ses galères, n’exerce-t-il pas un art de vivre, composante du spectacle ?

Nos propriétaires passionnés et professionnels du secteur, ne méritent-ils pas d’être considérés ? encouragés à travailler, à faire valoir leurs savoirs faires ? au lieu d’être taxés pour exister ?

Cette personne à qui on retire les quelques libertés (tolérées jusqu’à présent) nécessaires à mon bien être, penses-tu qu’elle va obtempérer, qu’elle va savoir /pouvoir faire face à l’administratif actuel? Combien vont baisser les bras ? Quel est notre avenir ?

Pour nous, bateaux identitaires de notre estuaire et nos propriétaires, témoins d’une culture immatérielle; Nous, qui naviguons encore grâce aux souvenirs d’enfance d’une génération qui s’efface ; nous ces « véhicules utilitaires/transporteurs » de moins de 15m qui traçaient les liens entre terre et mer ; ou nous ces ouvrages bâtis ; serons-nous entendus ? L’administration  aura elle la volonté d’agir rapidement pour nous soutenir ? Pourrons nous échanger avec ceux qui décident vraiment ? Aurons-nous l’occasion de proposer des solutions ?

Comment faire simplement face à tant de mesures diversifiées et d’interlocuteurs ?

Est-ce que les essais infructueux, passés, de structuration/fonctionnement seront pris en compte ? (essais en nous intégrant, par exemple,  à des structures régissant les pratiques sportives ;  très peu de centre nautiques sont propriétaires et animent des bateaux du patrimoine avec succès ; ou en confiant la compétence à une des structures reconnues dans le paysage patrimonial ou économique disons classique.) Est-ce que nos décideurs seront capables de voir comment nous avons toujours œuvré en toute discrétion pour que le spectacle ait lieu ?

J’ai bien peur que quelques-uns d’entre nous finissent dans un musée, sans s’animer, alors qu’un véhicule n’a d’intérêt que si il sert ;  car par essence, n’a-t-il pas été construit pour cela ?

… Et dire que nous incarnons des solutions pour un transport décarboné, dès notre construction, nécessitant peu d’énergie et des matériaux résilients, un véritable lien entre terre et mer, socialement et culturellement vertueux, facile à régénérer au vu de sa popularité mais combien discrète jusqu’à présent.

Le collectif de riverains, propriétaires et animateurs des patrimoines fluviaux maritimes de l’estuaire

de la Rance porté par l’association  

Ce collectif remercie Delphine Dutremée pour l’écriture (+ JP et Jeff pour les textes pour la gabare et les carrelets) et la coordination, et l’ensemble du CA de l’association pour le travail réalisé bénévolement.

Les photos qui illustrent ce site internet sont quasi toutes propriété de l’auteure et ont été prises depuis 2010 sur les bords de Rance. Les autres photos sont propriété de Thierry, Pascal, des copeaux, Gildas, Charles et Christophe que le collectif remercie grandement.

Octobre 2023